Hugues d’Aubarède disparu au K2 avec 11 personnes

Une rencontre parmi les hommes : J’ai rencontré Hugues d’Aubarède au Nanga Parbat en 2005 et nous sommes restés en contact des années durant. Nous partagions une passion commune : le K2. J’y avais fait deux tentatives solo et sans oxygène.

Quand à Hugues, compte tenu de son palmarès (sommet Mont Everest…) il n’avait plus rien à prouver en montagne.
Nous en avions discuté, et faire un 8000 « classique » de plus ne lui aurait rien apporté à son age et c’est alors qu’il s’est tourné vers le K2, « la montagne des montagnes » le deuxième sommet de la planète avec ses 8611m et surtout l’un des plus exigeants 8000.
Il est vrai que l’on devient vite amoureux du K2 et de sa superbe silhouette.

Hugues a pu réaliser son rêve à sa troisième tentative, rêve partagé par des milliers d’alpinistes et il est l’un des rares Français à avoir goûté la joie d’atteindre son sommet.
Les risques objectifs et parfois aléatoires de la très haute altitude lui étaient connus et il les assumait en connaissance de cause, sachant que dans le cas contraire, ce n’est pas la peine d’aller au camp de base, et surtout pas de donner des leçons aux autres …

trois tentatives

Rares sont ceux qui ont pu réaliser l’ascension du K2 à la première tentative, Si J.C Lafaille avait réussi, la plupart des grimpeurs que j’ai pu rencontrer en étaient en général à leur troisième tentative.

La première tentative consiste à prendre contact avec les pentes raides de l’éperon des Abruzzes, la seconde permet de tirer les leçons de ses erreurs précédentes (pas assez de cordes fixes, …etc…) et d’aller renifler les pentes du Bottleneck à 8150 m, et la troisième peut être la bonne si on a de la chance avec la météo.
Car la raison majeure de ce nombre élevé de tentatives est due pour l’essentiel à l’instabilité météorologique du massif qui n’offre le plus souvent des fenêtres favorables de deux à quatre jours, ce qui est court pour se mettre opportunément en bonne place pour lancer l’assaut final.
En tous cas le K2 reste le K2 et il est assez fréquent que personne n’arrive au sommet comme par exemple en 2002, 2003, et 2005.

passage obligé

Le Bottleneck ou Hugues a disparu avait déjà tué lorsque je m’y trouvais bloqué en 2003, un Allemand qui avait chuté en essayant d’effectuer sa traversée à ce moment là en glace .En 2006 quatre Russes avaient péri au même endroit, emportés par une avalanche.

J.C Lafaille m’avait confié à Islamabad en 2003 que « si cela n’avait pas été le K2, je n’y serais pas passé ».
En général, on ne peut pas dire qu’il y a foule à cet endroit, mais en 2008, le versant tibétain de l’Everest était fermé pour cause de JO en Chine, et beaucoup d’expés se sont reportées sur le K2 ou sur le Makalu.

l’accident

Il semble que des problèmes d’équipement de la voie et le grand nombre de grimpeurs aient ralenti la progression et provoqué l’arrivé tardive au sommet. A ce moment déjà deux grimpeurs sont perdus, l’un des porteur d’Hugues et un Serbe.

Effectivement arriver tard au sommet et devoir redescendre de nuit ne facilite pas la tache : cordes fixes gelées, panne éventuelle de frontale (du vécu…) puisqu’il faut au minimum atteindre les tentes du camp 4 à 8050 m. Cela dit c’est faisable.

En 2004 plusieurs alpinistes s’étaient fait piéger sur une redescente tardive, dont le fameux espagnol : Juanito Oiarzabal, ils ont été récupérés semi conscients par leur équipe et plus tard amputés. Un Brésilien avec qui je suis allé au Makalu en 2007 s’était ainsi fait surprendre de la même façon.

Et la Française Chantal Mauduit (décédée aujourd’hui) avait été secourue de justesse au dessus du Bottleneck.

Les alpinistes arrivent au sommet tout au long de la fin de journée (15h30 à 20h00) dont Hugues : le témoignage d’un survivant : « Au moment où j`arrive moi même au sommet (vers 19H) Hugues est toujours là. Nous nous embrassons et parlons un peu. Je lui fais un compliment qu`à son âge il arrive au sommet du K2 »
A 21h00 une chute de sérac dans le bottleneck emporte cinq personnes ainsi que les cordes fixes qui permettent de descendre.
Pour ceux qui se trouvent encore haut dessus le piège s’est refermé. Quelle solution adopter : essayer de descendre… attendre à 8300 m le lendemain matin qu’il fasse jour… choix difficile…

Hugues et son porteur Karim (qu’il connaît depuis le Nanga Parbat) ont pris l’option de redescendre de nuit et ont disparus.

Il est vrai qu’ils se sont trouvés dans une position très délicate, Hugues était expérimenté et prudent et aurai pris la décision de redescendre pour éviter de passer la nuit à 8300 m.

J’ai suivi de loin l’évènement, en évitant de participer aux polémiques inutiles.

Pour mon ami Hugues, je préfère citer Nietzsche :

« La foule exige qu’on lui offre le bonheur alors que quelques uns se tentent un destin »